L’ETP en questions
Sonia (Sete)
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Qu’est-ce qu’un patient expert ou patient intervenant ?

Auteur : GROSS Olivia
Olivia Gross, PhD
Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé (LEPS, EA3412)
Centre de recherche sur l’engagement des patients (LEPS, EA3412)
Auteur du livre "L’engagement des patients au service du système de santé", Paris : Doin, 2017.
vice-présidente du Conseil pour l’engagement en santé des usagers (Haute Autorité de Santé)

Réponse :

Un patient intervenant (PI) a une expérience personnelle sur différents enjeux liés à la maladie et l’envie de motiver les autres patients à se soigner ainsi que de contribuer à développer leurs compétences pour améliorer leur vie avec leur maladie ou avec celle de leur proche.

Il atteint ces objectifs en mettant en œuvre une « pédagogie de l’interstice », soit une pédagogie aux confins de celle des autres éducateurs. En effet, sa contribution ne vaut que s’il apporte autre chose qu’eux. C’est pourquoi ses apports ne peuvent être que légèrement décalés que les leurs, tout en étant en cohérence avec le projet d’équipe. Ainsi, par exemple, ses marques d’empathie sont souvent plus marquées : il peut aller jusqu’à les manifester avec des gestes, en étreignant les patients ; ou encore il n’a pas de difficulté à témoigner de sa propre intimité, ni à questionner celle des autres….

Aussi, les équipes éducatives qui vont intégrer un PI doivent-elles s’attendre à ce que le PI n’agisse pas comme elles l’auraient fait : non seulement c’est normal, mais surtout, c’est ce qui est attendu d’un PI.

Comme pour l’ensemble des réponses à apporter, celles concernant le profil du patient-intervenant et en particulier celle de son lien à la maladie, doit être guidée par le pragmatisme comme par le bon sens. À qui est destiné le programme ? À des parents ? En ce cas le PI devrait être un parent. Mais des ateliers où des parents échangent avec un jeune adulte peut aussi être utile pour leur apprendre, par exemple, à identifier l’attitude la plus juste possible entre surprotection et prise de risque inutile.

La question de la durée de l’exposition à la maladie appelle le même genre de réponse. Quel est le sujet de l’atelier ? Si c’est « se traiter », « pratiquer du sport » mieux vaut quelqu’un qui le fait depuis des années. Mais sans doute que d’autres thèmes, comme ceux autour de l’adaptation à la maladie peuvent être abordés de manière plus authentique par des personnes qui ont eu récemment à passer certaines étapes.

L’expérience montre que ce qui est important, c’est que les patients qui suivent le programme puissent identifier avec le patient intervenant. En fonction des situations, ce miracle qu’est l’identification se produit quand ils partagent des traits socio-culturels, d’autres fois, en particulier dans les maladies rares, la maladie suffit à la générer. Sachant que l’identification naît du fait d’avoir les mêmes référentiels et surtout vécu les mêmes difficultés. Aussi, pour générer l’identification, le PI devra témoigner des difficultés qu’il a rencontrées avant d’en venir aux actions entreprises pour les dépasser.

Il est important de souligner qu’en l’espèce, il est possible d’apprendre des erreurs des autres - et peut-être même davantage que de ses réussites -. Un patient qui ne s’est pas soucié de ses pieds alors qu’il est diabétique et qui a risqué une amputation, ou pire, qui en a subi une, convaincra davantage les autres patients à prendre soin de leur pied que n’importe quel patient observant. Un autre qui, de base n’aime pas le sport mais, finalement s’y est mis sans excès, saura amener les patients à penser qu’ils peuvent aussi s’y mettre, contrairement à un adepte du sport intensif dans lequel les autres patients ne se reconnaîtront pas. Sans compter que certaines personnes – et les médecins ne contrediront pas cette assertion- peuvent savoir ce qu’il convient de faire et savoir motiver les autres, sans pour autant se l’appliquer à soi-même. Par conséquent, le PI n’est pas forcément un patient parfaitement soigné, bien rétabli sur tous les plans.

Pour ce qui est du lien associatif, celui-ci est fort utile ne serait-ce que parce que cela permet que le PI ait mis son expérience de la maladie, du parcours de soins et des relations de soins en perspective avec celles d’autres personnes (cette mise en perspective définissant « le recul sur soi » largement invoqué mais jusqu’ici insuffisamment défini). Aussi, autant privilégier le recrutement de quelqu’un qui a ce type de lien. C’est d’ailleurs ce qui est suggéré dans le guide produit sous l’égide du Ministère de la santé et des affaires sociales [1]. Mais à défaut, mieux vaut s’en passer que renoncer à intégrer un PI. De fait, les PI sont souvent recrutés parmi les patients ayant suivi le programme d’ETP dispensé dans le service. Et il semble que cette manière de procéder fonctionne plutôt bien, ne serait-ce que parce qu’avoir le désir de collaborer avec quelqu’un est un facteur prédictif de sa propre capacité à faire fonctionner le binôme.

Concernant la formation des PI, il semble qu’un consensus se dégage actuellement sur la nécessité qu’ils aient suivi une formation en ETP ainsi qu’une formation spécifique au statut de PI [2]. Ceci ne doit pas oblitérer le fait que dans l’idéal, les professionnels avec lesquels les PI vont collaborer auront également suivi une formation sur le partenariat avec des patients.

Parmi les principales compétences qui seront utiles au PI, on peut citer : pratiquer la réflexivité, mobiliser ses savoirs expérientiels à bon escient, s’exprimer en première personne, faire preuve d’empathie, se mettre au service de la subjectivation d’autrui, collaborer avec les éducateurs-soignants, notamment prévenir les conflits … Et surtout il a des compétences interculturelles, en ce sens qu’il sait ce qui compte pour les patients comme pour les soignants et des compétences relationnelles. Sachant que comme les autres éducateurs, plus il pratiquera, plus il va gagner en compétences.

Pour lire l’intégralité de la contribution d’Olivia Gross sur la question du patient-expert en ETP, téléchargez le pdf

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GROSS SETE FAQ Patient expert en ETP

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Sonia (Sete)
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