L’ETP en questions
Sonia (Sete)
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L’observance est-elle la raison d’être de l’ETP ?

Auteur : DECCACHE Alain
Réponse :
La réponse est claire : NON !
Dans la maladie chronique, le rôle central du patient dans la mise en oeuvre des traitements s’est heurtée au problème de la non-observance des prescriptions. Le respect par le patient des traitements et autres mesures sanitaires qui lui sont prescrits est un facteur clé de la réussite des traitements. Or, les très nombreuses études consacrées à ce phénomène depuis 1960 montrent que l’observance stagne à 50% (avec une variation de 20 à 80 selon les traitements et leurs composantes), mettant ainsi en cause la qualité et l’efficacité des traitements prescrits. Le patient possède la liberté de ses actes et la médecine a dû apprendre à composer avec cette liberté.
C’est sans doute ce problème de non-observance qui est à l’origine du développement de l’éducation thérapeutique : une fois que toutes les mesures d’autorité, de persuasion ou de manipulation psychologique tentées se furent avérées inefficaces, on a essayé l’éducation-formation-apprentissage.
Le pouvoir médical est au cœur du concept d’observance (en anglais compliance), qui se définit comme un rapport entre ce que le patient fait et ce que le prescripteur veut qu’il fasse. Entre ces deux pouvoirs et libertés, du prescripteur et du patient, plusieurs relations peuvent s’établir, selon que l’un ou l’autre a plus ou moins de pouvoir et de liberté (Fig. 1). L’automédication est ainsi l’opposé de l’observance, le pouvoir du médecin y étant nul et celui du patient total. Des concepts de compromis ont ainsi été proposés. D’abord, l’adhésion (en anglais adherence) qui reflète ce que le patient fait de ce que le prescripteur a décidé et que le patient a accepté et consenti. Ensuite l’accord thérapeutique (ou alliance) qui définit l’objectif de la relation soignant-soigné de manière nouvelle et quasiment révolutionnaire ; il s’agit non plus de rapporter le patient à la volonté du médecin, mais de contruire ensemble, négocier, un projet thérapeutique mutuellement acceptable, et qui ne nécessite plus de rapport de pouvoir puisqu’il est le reflet de la volonté des deux partenaires de soins. L’alliance est ainsi ce que le patient fait de ce que le médecin et lui ont décidé ensemble.

observance thérapeutique DECCACHE Alain

Par ailleurs, l’observance pose un problème éthique majeur, celui de son adéquation avec les principes d’autonomie et de liberté, voire aussi celui de bienfaisance.

Observance, autonomie et liberté.
Il n’y a pas de doute : vouloir l’observance revient à nier le droit du patient à être autonome et libre. On ne peut être à la fois obéissant et autonome et libre.
L’autonomie étant ici définie comme la possibilité pour une personne de décider de sa vie (y compris de faire appel à de l’aide en cas de dépendance)…, et la liberté comme l’exercice effectif de ce droit.
La situation se complique lorsqu’on intègre le concept de « responsabilisation du patient » comme objectif de soins. La responsabilité, définie comme le fait d’assumer les conséquences de ses actes, ou encore d’en rendre compte, ne peut se concevoir qu’avec l’exercice de la liberté de choix, absente de l’observance. On ne peut donc pas être à la fois observant (obéissant) et responsable.
L’ETP concerne donc le renforcement, par l’éducation, du pouvoir de choix, et donc de liberté, ainsi que d’action sur tous les déterminants de santé et de maladie, chez les personnes malades et leurs proches. Tout le contraire de l’observance !

Extrait de Deccache A., Soins et éducation thérapeutique des patients souffrant de maladie chronique : enjeux éthiques et implications pratiques. Ethica clinica, 65, mars 2012, pp 46-52

Sonia (Sete)
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