L’ETP en questions
Sonia (Sete)
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Quel mouvement à l’origine des patients comme acteurs de l’ETP ?

Auteur : GROSS Olivia, PhD
Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé (LEPS, EA3412)
Centre de recherche sur l’engagement des patients (LEPS, EA3412)
Auteur du livre "L’engagement des patients au service du système de santé", Paris : Doin, 2017.
vice-présidente du Conseil pour l’engagement en santé des usagers (Haute Autorité de Santé)

Réponse :
Une analyse rétrospective du processus qui a conduit à intégrer des patients intervenants en ETP conduit à se pencher sur « l’avant ETP », soit à invoquer une époque où pas grand monde ne se souciait de développer les compétences des patients et encore moins à faciliter leurs connaissances sur leur maladie.
À l’époque, seules les associations de malades cherchaient à accroître leurs compétences. Leurs acteurs, héritiers des associations des années 80 sur le Sida, ayant parfaitement intégré le rôle majeur du savoir et des compétences pour s’approprier une forme de pouvoir sur les enjeux de santé. D’où le fait que parmi les missions auto-attribuées du milieu associatif (à côté d’accroître l’accès aux ressources, dynamiser la recherche, alerter sur des pratiques inadaptées et rompre l’isolement des malades) on retrouve celle de développer les compétences de ses membres, et notamment leurs compétences à gérer leur maladie [1].

Aussi, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) a répondu à un besoin identifié de longue date par le milieu associatif [2] qui avait en outre une certaine expérience des groupes collectifs que l’ETP convoque pour faciliter les apprentissages des malades et que ces derniers plébiscitent notamment pour les échanges interpersonnels qu’ils facilitent. En effet, nulle rencontre associative sans de tels groupes pour apprendre à se connaître, vider son trop plein d’émotions, partager ses expériences, faciliter les apprentissages à partir de l’expérience d’autrui. Et au sein de ces groupes, émergent toujours des personnes ressources qui se mettent naturellement au service des autres, utilisant à la fois leurs expériences en tant que malades et leur capacité à animer ces groupes dont le levier principal est l’identification et plus exactement, l’identification réciproque de pair-à-pair. Le rôle de ces animateurs étant de déclencher une cohésion de groupe autour d’une problématique commune et d’inviter au partage d’expériences afin de permettre l’expression de chacun et d’identifier le commun derrière le singulier ou au contraire relever la diversité des vécus.

Le milieu associatif ne pouvait donc que soutenir l’émergence de l’ETP puis sa diffusion. Mais il aurait pu ne pas le faire, considérant que les professionnels de santé allaient empiéter sur des pré-carrés associatifs puisque jusque-là, nuls autres que les associations ne s’étaient vraiment préoccupés des savoirs et savoir-faire des malades. Sans compter qu’au départ, les malades adhèrent souvent aux associations pour échanger avec d’autres malades et que leur proposer des groupes collectifs, donc de se réunir sans en passer par le milieu associatif pouvait fragiliser ce dernier. Mais ces craintes, bien que légitimes, ont été balayées par l’espoir que représentait l’ETP pour les malades, aussi le milieu associatif a-t-il largement soutenu l’essor, puis le développement de cette nouvelle pratique chargée d’autonomiser les malades.

De leur côté, parallèlement à ce cheminement, les acteurs de l’ETP ont été les premiers à percevoir quelque chose qui peut sembler évident aujourd’hui mais qui à l’époque ne l’était pas tant que ça, à savoir qu’il est inconcevable de promouvoir une approche centrée sur les patients qui ne soit pas pensée avec des patients. Ce faisant, ils ont ouvert une brèche qui ne demandait qu’à l’être : améliorer la pertinence des actions de santé en les concevant et la réalisant avec toutes leurs parties prenantes, au premier rang desquelles, les principaux concernés que sont les malades, invités à collaborer avec les soignants au nom de leurs savoirs expérientiels.

Aussi, la voie qui finalement s’est imposée fut celle d’une ETP intégrée aux soins, mise en œuvre par des professionnels de santé formés à la pédagogie avec la participation de malades ou proches de malades en tant que « patients-experts ».

Ce modèle qui avait l’avantage de mutualiser les savoir-faire de chacun, professionnels de santé et patients pratiquant l’ETP, a généré une adhésion quasi-immédiate aux quatre coins du monde. En France, il fut même valorisé par la Haute Autorité de Santé qui en a fait un critère de qualité des programmes dès les premiers référentiels produits.

En revanche, le terme « patient-expert » a cristallisé les résistances , tant du côté des professionnels de santé que de celui de nombreux patients. Pour pallier ces résistances [3], à ce terme ont été substitués ceux de « patient-ressource » ou de « patient-partenaire », voire celui d’« expert en expérience ». Chaque terme ayant ses limites, les débats restent vifs pour désigner ces patients qui s’engagent au côté des soignants pour soutenir l’éducation de leurs pairs. Non seulement aucun consensus n’émerge mais ils réactivent des guerres de position, qui plus est souvent fratricides, entre chercheurs ou entre associations de patients, chacun de ces termes référant à des écoles spécifiques. La Direction Générale de la Santé ayant proposé celui de « patient intervenant en ETP », c’est ce terme que nous utiliserons dans les pages qui suivent, pour sa clarté mais aussi pour sa neutralité.

Les principes ayant prévalu à l’intégration de patients-intervenants admis par les différentes parties prenantes (institutions, professionnels de santé, associations, malades) il reste à les organiser. D’où la sollicitation de la SETE qui propose ici de définir ce qu’est un patient-intervenant et indiquer comment le faire intervenir dans un programme.

Poser la question du profil du patient-intervenant (PI), c’est d’abord questionner son lien avec la maladie : est-il un conjoint, un parent, un enfant de malade ou est-il malade lui-même ? C’est aussi questionner la durée d’exposition à la maladie : peut-on engager comme patient-intervenant quelqu’un dont le diagnostic est récent ? Est-ce qu’il doit être un « patient modèle », bien « observant » ? Faut-il qu’il ait un lien associatif ou peut-il être recruté au sein du programme indépendamment de son adhésion à une association ? Sur quels critères le recruter ? Faut-il qu’il ait suivi une formation ? Quelles compétences attend-on de lui ?

Quant aux modalités de ses interventions, là encore diverses questions peuvent être soulevées : faut-il le solliciter pour témoigner de son expérience, peut-on l’associer à l’animation d’un groupe, et que faire si ce qu’il dit nous déplaît ou pire s’il en venait à nous contredire publiquement ? Comment le valoriser ? L’aider à s’exprimer ? À quoi peut-on l’associer ? Et qu’en est-il du secret professionnel ?

Pour lire l’intégralité de la contribution d’Olivia Gross sur la question du patient-expert en ETP, téléchargez le pdf

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GROSS SETE FAQ Patient expert en ETP

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Qu’est-ce qu’un patient intervenant en ETP ?
Comment faire intervenir un PI dans un programme ?

Sonia (Sete)
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